Cartouches gauloises par Fred

Publié le par La Bifurcation

cartouches.jpgCartouches gauloises, le dernier film de Mehdi Charef n’est pas seulement sans intérêt (ça ne serait pas très grave), il est en plus dangereux. L’histoire se passe en Algérie en 1961-62, et retrace, à travers les yeux d’Ali, un petit vendeur de journaux dont le père a pris le maquis, les derniers jours des pieds noirs avant leur départ pour la métropole. Ali a des copains français et tous sont tristes de devoir se séparer bientôt. Algériens et Français s’entendent à merveille, la vie s’écoule paisiblement entre les deux communautés qui semblent évoluer complètement en marge des actes de guerre perpétrés par l’armée française et le FLN.

Premier point, cinématographiquement le film est complètement insipide, semblant boucler autour de scènes improbables qu’aurait vues le petit Ali, l’occasion pour le metteur en scène de le faire surgir dans le cadre tout au long du film, jusqu’à l’overdose. Si l’objectif était de traiter d’une certaine innocence de l’enfance, dont le corollaire est une vision forcément déformée de la réalité, inutile de dire qu’on a déjà fait mieux (Cinéma Paradiso de Tornatore pour n’en citer qu’un, auquel il est fait directement référence via les scènes dans la cabine de projection). Le metteur en scène se paie même le luxe de citer Los Olvidados de Buñuel. La symbolique du film est lourde, démonstrative (par exemple la cabane construite par Ali et son copain Nico, symbole de l’Algérie, sur laquelle flotte le drapeau algérien à la fin du film).

Deuxième point, la période historique dont choisit de parler Mehdi Charef : la fin de la guerre d’Algérie, qui confère forcément au film une dimension politique forte. Et c’est là que les choses se corsent. Que nous montre le réalisateur ? Des scènes d’osmose parfaite entre Français et Algériens, entrecoupées de scènes de meurtres commis tantôt par l’armée française (majoritairement), tantôt par les combattants du FLN. Mais quelle mouche a piqué ces deux entités là (armée et FLN) pour se faire la guerre à ce point et perturber l’histoire d’amour des deux peuples ? Il n’y a qu’à voir la scène grotesque où une Française explique à sa voisine Algérienne, les larmes aux yeux, qu’elle est contente de lui laisser, à elle, sa maison. Quand on connaît la politique de la terre brûlée pratiquée par nombre de Français avant de partir, proposer ce type de scène est malhonnête. De même l’allusion à la mère de Nico préparant avec attention (surtout ne pas mettre de porc) des sandwichs à Ali. On pourra rétorquer que tout ce qui nous est montré (la fin de la période coloniale) correspond à une réalité particulière, celle d’Ali, qui n’est autre que le metteur en scène enfant. Le problème c’est qu’à filmer pendant 1h30 une réalité particulière, on occulte totalement la réalité historique ô combien différente. L’Algérie coloniale c’était deux populations distinctes à mille lieues de la description qu’en fait Mehdi Charef : les Français, avec tous leurs privilèges et les Algériens, population de seconde zone, soumise au mépris, à l’humiliation et au racisme du colonisateur (à ce sujet, comment se fait-il qu’Ali, de famille pauvre, se retrouve en classe dans une école française et non dans une école indigène ?). Filmer la barbarie de l’armée française (ce que fait le réalisateur) ne change rien. En effet, tout horribles qu’aient été ces actes, ils ne sont que la conséquence (la guerre de libération est une conséquence) d’un état de fait institutionnellement injuste et raciste. Et c’est bien sur ce point qu’il importe d’insister en ces tristes temps révisionnistes. Lors des massacres de Sétif en 1945 ce furent bien colons et pieds noirs qui prirent les armes !

Paloma.jpgPour rester en Algérie, allez plutôt voir le dernier film de Nadir Moknèche Délice Paloma. Après Le Harem de Madame Osmane et Viva l’Aldjérie, Moknèche se présente de plus en plus comme le Pedro Almodovar algérien. Et de toute façon rien que pour revoir Nadia Kaci….

 

Fred

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F
j'ai vu aussi "Cartouches gauloises" en présence du réalisateur et quelle déception!<br /> Il eu beaucoup de questions et les réponses étaient si insuffisantes, si évasives... était t-il lui même convaincu par son propre récit ?<br /> L'OAS n'avait donc jamais visité ce village pour avoir autant échappé aux yeux du petit Ali?<br /> En cette période, lors de l'enterrement de son neveu victime de l'OAS, un proche nous avait raconté que ce même jour et dans le même cimetière 75 familles avaient enterré leurs fils âgés de 18 à 25 ans, tous étudiants et tous assassinés par l'OAS.<br /> Voilà, la réalité.
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