Festival d'Avignon 2008 : Impressions 3

Publié le par La Bifurcation


A voir dans le Off :

"Le bonheur" d'Alexandre Medvedkine par Fred.

Quoi de mieux que le théâtre pour faire découvrir ou redécouvrir une oeuvre cinématographique? La Cie Cartoun Sardines Théâtre parvient à rendre ces deux formes d'expression artistique si différentes, parfaitement complémentaires. Dans "Le bonheur", quatre comédiens s'évertuent à créer la bande son du film muet éponyme de Medvedkine, datant des années trente, et projeté en parallèle tout au long de la représentation. Le burlesque visuel du film narrant les mésaventures de Khmyr, jeune paysan russe à la recherche du bonheur mais incapable de s'adapter au changement d'époque post 1917, rencontre donc son double sonore. Cette mise en scène, réglée au millimètre, procure au spectateur une expérience étonnante : suivre en parallèle, mais par deux modes d'expression différents, l'évolution dramaturgique d'un récit : la trame narrative et visuelle sur l'écran alors que dialogues et scénettes sont théâtralisés sur scène.

Direction artistique : Patrick Ponce et Dominique Sicilia
Compagnie Cartoun Sardines Théâtre
Au théâtre des Lucioles.

"Je suis Adolf Eichmann" de Jari Juutinen par Mad.
Cette pièce, largement inspirée de « Eichmann à Jérusalem » d'Hannah Arendt, se veut une comédie-satire autour de la banalité du mal. L’idéologie nazi y est représentée comme une dégénérescence sociale dont les acteurs sont, soit de grotesques décideurs et manipulateurs (voir la scène des accords de Wannsee), soit des procéduriers niais (image empruntée à la ligne de défense que prit Eichmann dans son procès à Jérusalem) bras de l’appareil engagé dans la solution finale. Juutinen se tourne ensuite vers nous et nous interpelle sur cette question fondamentale : que faites vous aujourd’hui pour les drames de vos semblables? La mise en scène, elle, fait le choix d’un contact direct avec les spectateurs, offrant à chacun une pierre englobant les maux de nos sociétés et ceux des victimes de l’holocauste. L’approche peut s’avérer risquée tant elle est porteuse de confusions en tous genres… une question qui reste ouverte...

Mise en scène : Marja-Leena Junker
Théâtre du Centaure
A Présence Pasteur.

"Les pensées de Mlle Miss" de Christophe Moyer par Fred.
Dans un futur proche, une société est chargée d'analyser et donc de manipuler l'opinion. La grande force du texte de Christophe Moyer est de présenter, au sein de l'entreprise et à travers ses trois personnages, les trois niveaux d'implication et de contribution au système économique imposé. Le premier, concernant l'ensemble des salariés, est matérialisé par Mlle Miss, chargée de collecter les enquêtes d'opinions et de détruire celles classées "inexploitables". Dès lors que l'opinion (ou son interprétation) s'affole, Mlle Miss perd pied, commence à percevoir l'incontrôlabilité du système qu'elle contribue à alimenter et se voit tout naturellement proposer un congé de santé à durée indéterminée. Le deuxième niveau d'implication est représenté par son chef, cadre dirigeant, forcément cynique puisque tout à fait conscient de son rôle (notamment pédagogique) dans la généralisation d'une logique purement financière. Mais pour un système toujours plus vorace, un troisième niveau est nécessaire : il s'agit de ces contractuels, véritables troupes d'élite du capitalisme financier, missionnés pour "rationnaliser" la production, fût-ce au prix de l'élimination du niveau 2.
Ce système, aussi déshumanisé soit-il, ne tient au final que grâce à l'opinion, même manipulée. Cette même opinion qui, une fois exploitée, est réduite en confettis jonchant la scène, comme un gigantesque réseau de neurones...


Mise en scène : Christophe Moyer
Compagnie Sens Ascensionnels
A Présence Pasteur.


A voir également mais nous en reparlerons :

"Bash, latterday plays" de Neil Labute
Mise en scène : René Georges
XK Theater Group
Au Théâtre des Doms




"Hot House" d'Harold Pinter
Mise en scène : Jérémie Le Louet
Compagnie des Dramaticules
Au Théâtre du Balcon




"Sortie d'usine" de Nicolas Bonneau
Mise en scène : Anne Marcel
Compagnie Le Lieu Dit
A la Manufacture



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